Gerald A. Klingbeil
Le peuple de Dieu avait connu des périodes de profondes ténèbres. Avec Jérusalem en cendres, le temple détruit, et la plupart des Israélites en exil à Babylone, la situation semblait désespérée. C’est alors que Dieu fit l’im possible : Babylone tomba, et la nouvelle superpuissance médo-perse permit au peuple de Dieu de retourner dans son pays – la terre promise – dans un second exode. Le Seigneur « réveilla l’esprit de Cyrus », le roi perse (Es 1.1). Quand Dieu touche un cœur, comment celui-ci pourrait-il résister ?
De pénibles commencements
En se basant sur des documents extrabibliques, des listes de noms, des sceaux, et d’autres inscriptions, les érudits estiment que les quelque 50 000 personnes (Es 2.64) qui retournèrent à Jérusalem sous le commandement de Zorobabel ne représentaient qu’un petit nombre des Juifs habitant dans l’empire médo-perse[1]. Beaucoup s’y étaient confortablement installés et ne voulaient surtout pas bouger de là. Après tout, l’hypothèque était presque payée, la vie sous le nouveau régime était satisfaisante, et leurs enfants avaient accès à de grandes universités ! Vers quoi retourneraient-ils donc ? Une cité détruite, des champs en friche, des voisins hostiles, et un site dangereux quelque part aux limites de l’empire, entre l’Égypte et la Mésopotamie.
Quand nous lisons les premiers chapitres du livre d’Esdras, nous constatons tout de suite l’immensité de la tâche et les montagnes de problèmes qui les y attendaient (voir Es 3-7). Cependant, un coup d’œil sur l’ensemble du tableau révèle que le problème de fond était plus sérieux qu’une cité détruite et qu’une opposition de taille provenant de l’extérieur. Le prophète Aggée nous dit que ceux qui étaient rentrés au pays avaient un problème spirituel : ils luttaient contre de fausses priorités, la mondanité, l’égoïsme. Bientôt, ils durent reconnaître que s’ils ne mettaient d’abord leurs priorités en place, leurs rêves s’écrouleraient comme un château de cartes (Ag 1.2-11).
Néhémie entre en scène
Les Écritures nous disent que finalement, le temple fut reconstruit environ 20 ans après le retour des exilés et que les Juifs célébrèrent leur première Pâque (Es 6.13-22). Puis, c’est le silence. Pendant de nombreuses décennies, en fait. Faisons un saut en l’an 445 av. J.-C., environ 70 ans après la reconstruction du temple. Ça barde à Jérusalem. Néhémie, un officier de haut rang de la cour perse, reçoit de mauvaises nouvelles au sujet de la ville sainte. Dans l’une des grandes prières des Écritures, il répand son angoisse devant le Seigneur (Ne 1.1-11). Confessant ses péchés et ceux de son peuple, il réclame aussi les divines promesses de renouveau et de transformation (v. 8,9). Dans sa prière fervente, il s’associe aux péchés de son peuple (voir sa confession), mais désire aussi faire partie de la solution de Dieu.
Le cœur en prière, il s’approche tout tremblant du grand patron, un monarque qui peut, d’un simple geste ou d’un seul mot, faire mettre à mort qui bon lui semble. Dieu fait alors un autre miracle : Néhémie quitte la Perse, investi de tous les pouvoirs gouvernementaux que lui confère le roi. Il pourra désormais faire bouger les choses.
Réveil à Jérusalem
Jérusalem est vulnérable, sans défense ; ses murs sont détruits, ses voisins hostiles jubilent. Dans une opération secrète de nuit, Néhémie inspecte les lieux (Ne 2.11-16), puis il retrousse ses manches. Sachant fort bien que ce travail colossal exige l’implication de toute la collectivité, et, relatant la bénédiction récente qu’il a reçue de Dieu à la cour perse, Néhémie invite les dirigeants à s’impliquer dans la grande œuvre de reconstruction des murs de Jérusalem (Ne 2.17-20).
Quelle ténacité ! Personne ni rien ne va l’arrêter. Et les murs de Jérusalem sont finalement reconstruits en un temps record (voir Ne 3,4,6,7) ! Mais le réveil et la réforme ne tiennent pas que de l’action. En fait, ils nous ramènent à l’essentiel. Au fil de l’histoire de Néhémie, nous participons à une grande réunion publique qui se déroule le 7e mois à Jérusalem[2]. Et revoilà Esdras, le prêtre, qui lit la loi dans la Torah, sans aucun doute le Pentateuque (Ne 8.1-3), tour à tour avec d’autres Lévites. Tout le monde écoute attentivement pendant des heures. On dirait bien que la durée d’attention était plus longue à cette époque…
L’un des mots-clés de cette réunion de réveil, c’est le mot comprendre, lequel apparaît cinq fois (8.2,3,7,8,12) dans le chapitre. Hommes et femmes, jeunes et vieux comprennent soudain que leur vie n’est pas en harmonie avec la Parole de Dieu. Et ils pleurent (Ne 8.9) tant qu’Esdras et Néhémie doivent leur rappeler que la grâce de Dieu leur suffit. À vrai dire, la joie du Seigneur est leur force (et la nôtre aussi), affirme Néhémie (8.10).
Une leçon à retenir
Quelque chose d’important commence en ce jour à Jérusalem – un réveil qui implique une claire reconnaissance que Dieu et le péché sont incompatibles. Ceci transforme les relations entre les membres de cette collectivité de retour de l’exil. Voici quelques éléments-clés de ce réveil que nous pouvons glaner de l’histoire de Néhémie :
1. Le réveil n’est pas un événement d’une seule fois mais une décision constante (et consciente). La Bible nous donne d’autres exemples de réveils au sein de la collectivité de retour de l’exil (voir Es 3 et 10). Et avant cela, nous avons de nombreux exemples de réveil au cours de périodes précédentes. Le réveil doit consister en un engagement quotidien.
2. Le réveil se base sur les Écritures, non sur les émotions, la bonne musique de fond ou les dynamiques de groupes. Lorsque les enfants de Dieu sont en présence de la révélation divine, lorsqu’ils plongent leur regard dans le miroir de sa Parole et qu’ils reconnaissent qui ils sont vraiment (oui, nous sommes des pécheurs), le réveil se produit.
3. Le réveil au sein du peuple de Dieu implique tout le monde : femmes et hommes, jeunes et vieux, riches et pauvres – tous se rassemblent pour écouter la Parole de Dieu – et ils répondent en tant que collectivité. S’il est vrai que le réveil personnel est un engagement de tous les jours, il existe toutefois des moments-clés dans la vie d’une Église où le dynamisme du réveil personnel mène à un réveil collectif.
4. Le réveil ne consiste pas à se focaliser sur son meneur. Oui, Néhémie et Esdras étaient des dirigeants solides et avaient Jérusalem et ses problèmes à cœur. Mais ils ne purent aller de l’avant que lorsque les autres saisirent aussi la vision. Ils dirigèrent le réveil, mais ne le provoquèrent pas.
5. Le réveil tient compte de l’ensemble du tableau et refuse de se laisser distraire. Je suis sûr que les ennemis de Jérusalem auraient bien voulu que la ville se focalise sur ses problèmes. Heureusement, la communauté de foi décida de se concentrer sur la Parole de Dieu et sur son message pour son temps.
Rétablis-nous, ô Dieu
Sentez-vous le besoin d’un tel réveil spirituel ? Votre temps consacré aux Écritures et à la prière serait-il limité par des calendriers trop chargés, par d’innombrables rendez-vous (même utiles) ? L’histoire de Néhémie est personnelle, mais en même temps, elle a une grande portée. Néhémie dut souvent lire ce texte au sujet d’un Dieu qui rétablit : « Ô Dieu ! rétablis-nous ; fais luire ta face, et nous serons sauvés ! » (Ps 80.3, OST) Dieu fit luire sa face sur son peuple. Il est prêt à nous rétablir, nous aussi – et, oui, à faire luire sa face sur nous.
1 Comparer avec Laurie E. Pearce, « New Evidence for Judeans in Babylonia », dans Judah and the Judeans in the Persian Period, Oded Lipschits and Manfred Oeming, ed., Winona Lake, Ind., Eisenbrauns, 2006, p. 399-412, et jeter un coup d’œil sur la bibliographie.2 Le 7e mois qui, dans l’Ancien Testament, correspondait aux mois de septembre et d’octobre de notre calendrier, est important dans le système religieux juif. Trois événements-clés se produisent dans ce mois : la fête des trompettes (Lv 23.24), le Jour des expiations (Lv 23.27), et le festival des tabernacles (Lv 23.34, LSG). Il s’agissait vraiment d’un mois de réveil et de réforme !