Remets ton épée dans son fourreau
« Jésus dit à Pierre : Remets ton épée dans son fourreau. La coupe que le Père m ‘a donnée, ne la boirai-je pas ? » (Jean 18.11)
À peine quelques mois après que la Guerre Civile eut éclaté en Espagne, un jeune homme de 19 ans qui portait le nom de José María Gironella* dut fuir en France parce que sa vie était menacée à Gérone, sa ville natale. Son père l’accompagna jusqu’à la frontière et, peu après, les gendarmes français l’arrêtèrent et l’inspectèrent. Dans la poche de son pantalon, il y avait un papier que le gamin n’avait pas vu. Son père y avait mis un message d’adieux. Gironella lut, ému : « Ne tue personne, fils. Ton père, Joaquin ».
Il ne lui dit pas, comme n’importe quel père l’aurait fait en se séparant d’un enfant en temps de guerre : « Protège ta vie, fils, prends garde à ce que personne ne te tue ». Au contraire, il lui demanda : « Ne tue personne » parce que, bien qu’il voulût que son fils revienne sain et sauf, il voulait qu’il le fasse sans se couvrir les mains de sang, même pour se protéger. Curieusement, le père de l’écrivain évoquait ce que Jésus dit à Pierre à Gethsémani : « Remets ton épée dans son fourreau. »
Les chrétiens doivent être messagers de paix, cette paix qui transforme la vie, qui s’expérimente de façon personnelle et qui se suscite ensuite. Pour Christ, le meilleur défenseur de la non-violence, aucune circonstance de danger, d’auto-défense ou de survie ne justifie de tuer un semblable, même s’il s’agit d’un ennemi. Il n’y a pas de guerre juste en cas d’invasion, ni plus ni moins de guerre sainte au nom de Dieu ; il n’y a pas de « iure belli », ce droit à la guerre que défendait le moine dominicain Francisco de Vitoria en 1532. Aux guerres de conquêtes, aux campagnes militaires du roi David, « homme de sang » ; aux massacres des Croisés contre les infidèles musulmans ; à l’inquisition et ses cruels autodafés ; aux guerres de religion ; à l’horrible Holocauste juif ; aux auteurs du génocide rwandais, majoritairement chrétiens ; ou aux coupables du nettoyage ethnique en Bosnie Herzegovine ; à toutes les personnes violentes, comme Pierre en cette nuit où on emmena le Maître, Jésus ordonne : « Remets ton épée dans son fourreau. »
Et comme un geste d’amour et de compassion, tout comme il le fit pour Malchus, il restaurera de ses mains les victimes de la violence.
* ndlt : José María Gironella (1917-2003) est un des écrivains espagnols les plus lus. Il dépeint dans ses romans le désarroi qui suivit la Guerre Civile d’Espagne. Parmi ses œuvres, nous pouvons citer Les Cyprès croient en Dieu, Un million de morts, Quand éclata la paix et Les hommes pleurent seuls qui forment une tétralogie.
(« Mais il y a un Dieu dans les cieux » Carlos Puyol Buil. Ed: Safeliz)