L’importance de la Trinité
En quoi la pleine divinité tant du Fils que de l’Esprit est-elle importante ? Avant d’aborder cette grave question, il nous faut en traiter une autre, qui semble tourmenter bien des gens : il s’agit de l’apparente absence de logique inhérente à l’affirmation que trois égale un. Cela trouble particulièrement l’intelligence rationaliste de nombreux étudiants occidentaux ainsi que nos amis musulmans, fortement monothéistes.
L’objection logique. Millard Erickson a suggéré que la raison humaine ne saurait tolérer une mathématique aussi bizarre que celle de la Trinité, avec son « trois = un ». Si vous allez au supermarché et que vous y prenez trois pains, puis que vous essayez de persuader la caissière qu’il n’y en a en fait qu’un et que vous ne devez en payer qu’un, l’envie d’appeler la sécurité risque fort de la démanger.
En guise de première réponse au problème logique que pose la pensée trinitaire, on peut admettre que l’on a affaire au plus profond des mystères. Dans les relations d’amour, il semble que se développe une profonde unicité sociale et affective. Dirons-nous alors que les relations d’amour sont totalement illogiques et incohérentes ? Certes non. Et cela semble être la meilleure manière de rendre compte avec cohérence du mystère de la Trinité et de son unicité plurale.
Erickson suggère avec sagacité le tour que pourrait prendre une réponse crédible : « Nous proposons donc de penser à la Trinité comme à une société de personnes qui constituent un seul être. Si les interrelations animant cette société de personnes ont des dimensions que l’on ne rencontre pas chez les humains, il y a pourtant quelques parallèles très éclairants. L’amour est le lien qui, au sein de cette divinité, unit chacune des personnes à chacune des autres. »1
Il n’est pas surprenant qu’Erickson se tourne ensuite directement vers 1 Jean 4.8,16 : « Dieu est amour. » Apprécions-nous vraiment la profondeur de cette affirmation inspirée, si désarmante dans son apparente simplicité ? Nous aimerions suggérer que ces trois mots ont une profonde contribution à apporter à notre compréhension d’un Dieu qui a préexisté de toute éternité en un état d’« unicité » trinitaire. « L’affirmation […] « Dieu est amour », n’est pas une définition de Dieu, pas plus que ce n’est la mention d’un de ses attributs parmi d’autres. C’est une caractérisation de Dieu, tout à fait fondamentale. »2
Pour les chrétiens trinitaires, la question clé à propos de Dieu débouche, en fin de compte, sur celle de son amour. Et si Dieu n’est pas « amour » au plus profond de lui-même, alors toute question sur sa nature retombera bien vite à l’état de sujet biblique sans raison d’être. Or nous sentons bien que l’amour est ce qui, au plus profond, caractérise Dieu. Si Dieu est vraiment — dans son essence même — un Dieu d’amour (Jean 3.16 et 1 Jean 4.8), il nous faut alors envisager les implications suivantes :
Celui qui a existé de toute éternité et qui nous a faits à son image aimante, ce Dieu-là pourrait-il vraiment être appelé amour s’il n’existait qu’en tant qu’être solitaire, unitaire ?
L’amour, en particulier l’amour divin, est-il possible si celui qui a créé notre univers n’est pas un être plural ayant exercé l’amour au sein de sa divine pluralité (trinitaire) de toute éternité ?
L’amour vrai, désintéressé, n’est-il pas possible que s’il procède d’un Dieu qui, dans sa nature même, a été, est et sera éternellement, en tant que Trinité pleinement sociale, un Dieu d’amour ?
Nous ressentons avec force l’appel qui nous incite à proclamer que Dieu est une Trinité d’amour et que cet amour a connu sa révélation la plus émouvante dans l’œuvre créatrice ainsi que dans l’incarnation, la vie, la mort et la résurrection du Fils de Dieu, être pleinement divin. Et en fin de compte, l’unicité trinitaire de Dieu n’a rien d’illogique. Elle est en fait source de la seule logique véritablement sensée : celle d’un amour qui se sacrifie, qui pratique la soumission mutuelle et qui jaillit éternellement vers l’extérieur dans la grâce d’un pouvoir aussi créateur que rédempteur.
Un tel amour infini doit, cependant, être communiqué matériellement à ces êtres finis et pécheurs que sont les humains. Et c’est là que la question de l’importance de la pleine divinité du Fils et de l’Esprit prend tout son sens, dans la tragédie de la création et de la rédemption.
Woodrow W. Whidden (doctorat de l’université Drew) est professeur de religion à l’université Andrews, à Berrien Springs, Michigan, aux USA.
1. Millard Erickson, Making Sense of the Trinity : Three Crucial Questions (Grand Rapids, Michigan : Baker Book House, 2000), p.58.
2. Ibid.