Être l’esclave de Christ
“Paul, serviteur(1) de Jésus-Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu” Romains 1:1
Des mots et expressions interpellent dans ce texte : « esclave », « appel » et « mis à part ». Un esclave est un être non libre, sous la domination d’un maître. Or, Paul se présente, comme un esclave. Ce terme n’était attribué qu’aux personnes serviles. Paul est donc une personne non libre, acquise par Jésus-Christ.Dans les aires qui ont connu l’esclavage, notamment dans les Amériques, mais aussi à Rome(2), il existait une hiérarchisation dans la société des esclaves : il y avait ceux du jardin, du moulin, des villes, et les « nègres à talent ». Ces derniers possédaient des qualifications (musique, couture, arts, etc…) qui faisaient d’eux des êtres mis à part, pour un rôle particulier.
Simon Légasse(3) affirme qu’en prenant le titre doulos (esclave), qui n’était attribué qu’aux officiers royaux dans la septante(4), Paul se plaçait dans leur lignée, et à la suite d’hommes tels que Moïse ou les prophètes, lesquels étaient mandatés par le Dieu vivant. Dans Romains 1.1, Paul associe ce titre royal, doulos, au service de Dieu. Il n’était donc pas un vil esclave ; il était qualifié, mis à part. Il était mandaté par Jésus-Christ. Tel Élie devant Achab, ainsi était Paul l’envoyé, l’officier royal du Dieu vivant. Ce qui légitimait sa venue à l’église de Rome.
Le texte de Romains 1.1 pourrait se lire ainsi : « Paul, esclave par capture, du fait de sa prise par Jésus, sur le chemin de Damas ». D’un persécuteur zélé appartenant au monde des pharisiens, Saul de Tarse devint l’esclave et l’apôtre du Christ. Contrairement aux esclaves qui se révoltaient lors de leur capture, Paul ne se rebella pas. Aucune attitude nonchalante ou séditieuse. L’ancien persécuteur s’attacha à son maître. Il donna son adhésion à Christ et répondit à l’appel. Christ en fit un esclave (doulos) qualifié, à talent. Moïse et Aaron avaient été choisis et mis à part par Dieu pour le service du sanctuaire (1 Chronique 23.13). Paul, en tant qu’esclave, fut choisi, mis à part par Dieu pour transmettre l’évangile. Ses titres, « esclave », « apôtre », étaient tels des « laisser-passer » qui l’autorisaient à se présenter à la communauté romaine.
Ainsi donc, Paul apparaissait comme un serviteur dévoué à Christ, qui lui avait confié une mission dont il ne pouvait s’écarter. Il brandissait son appartenance à Christ ; c’était son identité. Il en était fier, d’où Romains 1.16 «Car je n’ai point honte de l’Évangile …».
De qui suis-je l’esclave? Qui domine sur moi ? A qui me suis-je attaché ? Ai-je un laisser-passer qui m’autorise à parler au nom du Christ ? Suis-je l’esclave talentueux de Christ ou le vil serviteur d’un autre maître ?
Evelyne HONORE
1)Dans l’original grec, c’est le terme doulos (dou/loj) signifiant esclave qui est employé. Nous avons choisi de retenir comme traduction le mot serviteur.
2) Catherine SALLES, L’Antiquité romaine, Paris, Larousse, 2002, p.167.
3) Simon LEGASSE, L’épitre de Paul aux Romains, Paris, Cerf, 2002, p.52-53.
4) Version de la Bible hébraïque en langue grecque.