Le chant des sirènes
« Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel, et n’obéissez pas à ses convoitises. Ne livrez pas vos membres au péché, comme des instruments d’iniquité ; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres, comme des instruments de justice ». Romains 6.12-13
Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, Homère décrivant, dans l’Odyssée, l’épopée
d’Ulysse revenant de Troie pour l’île d’Ithaque, rapporte ce qui arrivait aux marins captivés par le chant des sirènes et succombant (littéralement) au désir. Les sirènes, de leur voix attirante et irrésistible, amenaient les marins qui les entendaient à désirer se rapprocher du lieu où elles se trouvaient. Une fois leur bateau fracassé sur les récifs, c’était la mort.
Vers 57 après Jésus-Christ, Paul écrit : « Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel : n’obéissez pas à ses désirs ». En présentant le péché7 comme un chef régnant, d’où le terme grec « basileuo », l’apôtre fait une personnification. Le péché, réalité abstraite, apparaît sous les traits d’un être animé, d’un roi qui exerce son pouvoir sur l’homme. Cette réalité abstraite, engendre des désirs insatiables (Genèse 4.7). Tel cet homme qui, sous l’empire et l’emprise de l’alcool, s’écrit : « (…) J’en veux encore ! » Proverbes 23.35.
De fait, le désir est le souhait, l’appétit conscient vers un objet dont la possession ou l’usage est source de satisfaction. Chez Homère, la plupart des marins désiraient s’approcher de plus près pour entendre le chant des sirènes et au final ils en mourraient. Ulysse demanda à ses compagnons de se boucher les oreilles à l’aide de boulettes de cire mais lui, il choisit de se faire attacher au mât. Car il voulait entendre leurs belles voix. Quand les marins
s’approchèrent, les sirènes chantèrent et leurs mots étaient encore plus attirants que la mélodie. Ulysse entendit le chant des sirènes et se mit à les désirer ardemment, mais des cordes le maintinrent solidement au mât du bateau.
Peut-on désirer entendre le chant des sirènes, « obéir aux désirs » du péché, et plaire à Dieu ? L’étymologie du mot désir apporte une réponse. Désir vient du verbe latin desiderare, lui-même formé à partir de sidus, sideris, qui désigne l’astre, l’étoile. Au sens littéral, desiderare signifie : cesser de contempler l’étoile, l’astre. Le désir, la convoitise conduit à cesser de contempler Christ, à le perdre de vue.
Dans la mythologie gréco-romaine, pour attirer les marins afin de les dévorer, les sirènes interprétaient des chants relatifs au royaume d’Hadès, lequel était considéré comme le maître des enfers, le maître de la mort. A tous ceux qui voudraient entendre le chant des sirènes, obéir au désir du péché, Paul les avertit que « le salaire du péché c’est la mort (…)» (Romains 6. 23). En effet, le chrétien sous l’empire du péché, sous l’emprise de ce dernier, est mort. Par contre, quand il livre ses membres, son corps au service divin, il devient alors un « rescapé d’une mort assurée8 ». Face aux attraits du péché, la seule sécurité du croyant justifié se trouve en Christ, en son salut offert par grâce et dans la pratique de ses œuvres.
Evelyne HONORE
(7) Plusieurs expressions désignent le péché. En grec, hamartia : péché. Dans l’hébreu, le nom usuel hatta’t, péché, provient d’un mot qui signifie « manquer le but ou la cible ». Le péché apparaît alors comme un manquement contre les hommes ou contre Dieu.
(8) Simon Légasse, L’épitre de Paul aux Romains, Paris, Cerf, 2002, p. 406.