Les deux béliers(1)
« Veillez donc avec soin à la façon dont vous vous comportez : que ce ne soit pas comme des fous, mais comme des sages. » Éphésiens 5.15, NBS
Traiter quelqu’un de mouton n’est généralement pas un compliment, cela sous-entendant un esprit grégaire opposé à l’esprit individualiste tellement prisé dans notre société. Dire d’un individu qu’il est une brebis galeuse n’est pas flatteur non plus. Être doux comme un agneau, ce n’est pas nécessairement être docile ni servile, mais candide, naïf, bon enfant.
Cependant quand on signale un coup de bélier, on parle d’un choc violent comme celui que donne un bélier fonçant tête baissée.
Les béliers avec des cornes de même taille luttent entre eux pour établir une hiérarchie…
Qui sera le plus fort, et donc le meneur ? Et voilà une histoire de deux béliers intelligents, sages, réfléchis, une histoire que Martin Luther se plaisait à raconter à ses élèves.
Il était une fois, deux béliers de montagne qui se retrouvèrent cornes à cornes sur une étroite passerelle suspendue tendue au-dessus d’un profond abîme. Il n’y avait aucun moyen de se dépasser ni de se retourner, et pire… les béliers ne savent pas faire marche arrière. Ils ne reculent pas. Ils ne se rétractent pas. Les deux puissantes bêtes s’arrêtèrent pour se mesurer. Les béliers pourraient toujours essayer de se battre en se cognant front sur front mais le pont était si exigu que s’ils mettaient la moindre ardeur à leur lutte, il est certain qu’ils se retrouveraient tous les deux dans le gouffre et y mourraient tous les deux.
D’un regard oblique, ils mesurèrent tous les deux la hauteur du précipice puis d’un regard droit, chacun regarda dans la direction où il voulait aller : ils s’étaient rencontrés tous les deux face à face sur cette passerelle car ils voulaient tous les deux se rendre de l’autre côté… Allaient-ils maintenant changer d’avis ? Les deux béliers échangèrent quelques coups de cornes… question de se tenir en respect, puis, l’un d’eux – lequel ? je ne sais – se coucha et l’autre – lequel ? je ne sais – passa par-dessus. Sans se retourner, ni dire mot, ils continuèrent ainsi chacun sa route et arrivèrent sains et saufs au but fixé. Dites-moi, le bélier qui s’est couché a-t-il bien fait ? Le bélier qui lui a passé dessus était-il un lâche ?
Lequel des deux béliers était le plus fort ? le plus intelligent ? le plus sage ? le plus aimant ?
Nous pouvons tous être, à un certain point de notre vie, un bélier, et nous retrouver sur le sentier de la vie, face à un autre bélier, tous les deux incapables, réticents, refusant de faire pas en arrière ! Se battre est une option facile, mais à la force que nous aurions l’un et l’autre, ne serions-nous pas tous les deux perdants ?
Ne soyons pas fous : à cause du but que nous voulons atteindre, une fois moi plusieurs fois lui (ou elle), une fois lui (ou elle) plusieurs fois moi, souvent lui (ou elle) parfois moi, parfois lui (ou elle) souvent moi, soumettons-nous et acceptons de céder.
Pensons avec sagesse : c’est seulement ainsi que deux personnes, peuvent toutes les deux survivre aux épreuves, aux conflits et aux tourmentes du quotidien, et rester fidèles à leur engagement, à leur but, à leur mission.
Danièle STARENKYJ
1. Starenkyj D., Belles histoires comme autrefois,- Petits récits pour aujourd’hui -, « Les deux béliers », Orion, 20
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