Réveil et Reforme

Blog « Réveil et Réforme » de l'Église Adventiste du Septième Jour de l'île de La Réunion

Choisir d’observer le sabbat

21 juin 2021

« Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée. Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu’il avait créée en la faisant. » (Genèse 2.1-3)

«Que du jour du sabbat on fasse un mémorial en le tenant pour sacré. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le sabbat du SEIGNEUR, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes. Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du sabbat et l’a consacré.» (Exode 20.8-11)

Le quatrième commandement fait appel au souvenir. Il ne s’agit ni de nostalgie ni d’attachement profond à une certaine tradition. L’ensemble du Décalogue cherche à rendre vivante et durable la relation entre YHWH et le partenaire de l’alliance, partenaire individuel ou collectif.

L’ordre est de se souvenir, non seulement dans le cadre de la mémoire, de l’exercice mental mais dans un but actif. « Pour le garder, le sanctifier ». Le Seigneur demande un acte de recueillement, de souvenir et d’engagement.

La genèse du sabbat

Tout part de la création. Tout pourrait ramener à elle puisque Dieu est le même, le temps n’ayant aucun pouvoir sur lui. Le récit de la création se termine ainsi : « Dieu acheva au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait.» (Gn2.2)

Dieu a marqué la création par le sabbat, moins comme un jour de repos physique que comme un jour de cessation. Le sabbat deviendra, entre la Genèse et l’Exode[1], (la formulation n’est pas la même) hautement symbolique de la liberté divine et de sa souveraineté sur la création. Personne n’oblige Dieu à créer et personne ne l’oblige à s’arrêter. Le sabbat marque la fin de la semaine créatrice et il devient le signe sublime de la liberté, de la maîtrise divine sur l’ensemble de son œuvre. Dieu se reposa (littéralement, il fit sabbat le septième jour). Ensuite, il fit de tout le septième jour le témoin de son autorité sur l’espace créé et sur le temps qui l’englobe.

Dans la chronologie repérable, le sabbat est l’indice le plus fort et le plus évident de la création. Il devient ainsi un référent palpable, visible, ce qui signifie qu’il n’est ni contingent ni mythique. Encore moins mystique. Il est le témoin permanent des origines. Il est la signature divine dans l’histoire de cette planète en général et des hommes en particulier. Personne ne peut dire qu’il a vu la création originelle mais en observant le sabbat dans le cycle des jours, chaque individu peut remonter à la genèse de la création mais somme toute à la genèse de l’homme lui-même.

La quête identitaire

« Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait créée par son action. » (2.3)

Le sabbat est significatif dans le fait qu’il est le seul jour de la semaine à porter la bénédiction divine. Il est marqué comme un tournant dans la création parce qu’il achève le cycle des jours de la semaine, il devient le point central du rythme hebdomadaire. Lorsque le peuple de Dieu s’approche du sabbat, il devrait éprouver une grande joie et une fierté puisque c’est le seul jour qui porte une bénédiction pour l’éternité, un jour marqué par le nom divin. Célébrer le sabbat, en le sanctifiant, c’est célébrer le Dieu créateur[2].

En entrant dans le jour du sabbat, le croyant entre dans le sanctuaire du temps qui est le signe permanent de la création originelle. Se souvenir du jour du sabbat permet à l’homme d’affirmer sa foi en un Dieu créateur et aujourd’hui encore c’est une prise de position face à la théorie de l’évolution.

La symbolique relationnelle

« Souviens-toi du jour …tu … ni toi ni ton fils … ». Le commandement sur le sabbat commence par une interpellation personnelle, ce qui l’inscrit dans le même paradigme que les neuf autres, puisque les Dix Paroles s’articulent sur le mode Je-Tu. En demandant à l’individu (et au peuple) de se souvenir du jour du sabbat, Dieu l’invite à une réflexion et à une implication, ce qui donne au sabbat une signification holistique dans la vie du croyant.

Par ailleurs, l’observation du sabbat met à plat toute hiérarchisation des hommes. Il donne une valeur unitaire, égalitaire aux croyants et à leurs frères d’humanité. C’est l’appel à ne pas travailler, dans le sens économique (avec profits et autres avantages en nature), dans le contexte de la productivité, la compétition, la concurrence, etc. Le croyant ne travaille pas et il lui est explicitement demandé de ne pas faire travailler les autres, de son fils jusqu’au bétail dont il est le propriétaire. En somme, Dieu lui demande de ne pas obliger quelqu’un à travailler pour lui pendant qu’il observe le sabbat. Il n’est pas question que quelqu’un d’autre poursuive ses affaires – avec des profits à la clé – à sa place.

Il n’y a certes aucun lien avec les prestataires de service qui nous facilitent la vie dans la société contemporaine. L’Eglise dépend des autres pour l’électricité, le gaz, le téléphone qu’elle utilise même le sabbat pour faciliter son organisation et le service de culte. Toutefois, l’Eglise peut avoir la conscience tranquille parce qu’elle ne fait pas travailler ces prestataires exclusivement pour elle. Il en va de même pour le croyant qui prend le bus ou le métro pour se rendre dans sa communauté de foi le sabbat matin.

Notons que le commandement n’implique pas la femme. Est-ce à dire que les femmes sont les oubliées du Décalogue ? Certainement pas puisqu’elles sont concernées par tous les commandements.

La femme n’est pas dans la liste de ceux qui font un travail puisque dans le contexte de la Quatrième Parole, elle ne produit pas pour le bénéfice commercial. Elle n’est pas la travailleuse, l’ouvrière qui pourrait remplacer ceux qui observeraient le sabbat. La femme a ses occupations ou ses préoccupations domestiques. Le sabbat, elle reste épouse, mère, elle est aussi croyante. Si la Parole ne fait aucune mention d’elle, ce n’est pas simplement parce qu’on est dans une société patriarcale. Elle n’est pas évoquée parce qu’en temps que femme, épouse, mère elle a des devoirs qui ne tombent pas sous l’interdiction de travailler au sens économique ou industrielle.

Nous ne pourrons jamais imaginer les soucis d’une épouse ou d’une mère. Aujourd’hui, en regardant attentivement ce qu’elles font au foyer, qu’elles aient un métier ou non, on devrait leur donner un salaire. Un jour un petit garçon, observant sa maman qui après avoir fait la lessive, passe l’aspirateur, prépare à manger, répond au téléphone, range les vêtements dans l’armoire, lui demande : « Dis maman, où travaillais-tu avant de travailler chez nous ? »

Cela ne signifie pas qu’il faut tout laisser à notre épouse ou à notre mère, sous prétexte qu’elles ne sont pas explicitement concernées par la Quatrième Parole.

Jésus et la quatrième Parole

Les Evangiles nous montrent comment Jésus a observé la loi morale. Ils rapportent également sa manière d’observer le sabbat, ce qui lui valut de nombreuses confrontations avec les théologiens de l’époque, les gardiens d’une orthodoxie artificielle.

Voyons par exemple le passage biblique suivant : « Or Jésus, un jour de sabbat, passait à travers des champs de blé et ses disciples se mirent, chemin faisant, à arracher des épis. Les Pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Ce n’est pas permis. »

Et il leur dit : « Vous n’avez donc jamais lu ce qu’a fait David lorsqu’il s’est trouvé dans le besoin et qu’il a eu faim, lui et ses compagnons, comment, au temps du grand prêtre Abiathar, il est entré dans la maison de Dieu, a mangé les pains de l’offrande que personne n’a le droit de manger, sauf les prêtres, et en a donné aussi à ceux qui étaient avec lui ? »

Et il leur disait : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. »

Il entra de nouveau dans une synagogue ; il y avait là un homme qui avait la main paralysée.

Ils observaient Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat ; c’était pour l’accuser.

Jésus dit à l’homme qui avait la main paralysée : « Lève-toi! Viens au milieu. »

Et il leur dit : « Ce qui est permis le jour du sabbat, est-ce de faire le bien ou de faire le mal? de sauver un être vivant ou de le tuer? » Mais eux se taisaient. Promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leur cœur, il dit à cet homme : « Etends la main. » Il l’étendit et sa main fut guérie »[3].

Ce passage fait ressortir une mauvaise interprétation du sabbat, lorsque le croyant montre une attitude extérieure qui est presque figée dans un rituel. Ce que Jésus désire pour tous les observateurs du sabbat, c’est que le croyant y trouve du sens, y trouve un épanouissement et que ce jour ne soit pas organisé autour de la question du « faire ou ne pas faire ».

La maîtrise du sabbat

« Le Fils de l’homme est maître du sabbat ». Jésus se présente comme le maître du sabbat lorsqu’il donne une lecture différente de celle des Pharisiens qui étaient furieux de le voir approuver ses disciples alors qu’ils cueillaient des grains de blé. Ils voulaient même le faire périr parce qu’à leurs yeux il détruisait tout l’enseignement sur le sabbat. Jésus fait comprendre qu’il a autorité sur ce jour parce qu’il a reçu l’autorité sur la création[4]. Ce n’est pas de manière fortuite que les Evangiles rapportent la déclaration du Christ sur sa maîtrise du sabbat. D’ailleurs, ce serait instructif pour ceux qui ont conclu à l’abolition des dix commandements, en particulier le sabbat. Jésus ne s’affirmerait pas maître d’une institution aussi sacrée que le sabbat si celui-ci devait être aboli.

Si Jésus affirme sa maîtrise sur le sabbat, c’est dans un but pédagogique certes mais aussi éthique. Jésus s’impose certainement comme le modèle à suivre concernant le sabbat. Il en est le maître tant dans l’enseignement qu’il définit que dans le comportement qu’il inspire. Jésus allait à la synagogue le jour du sabbat, ce qui suggère fortement la nécessité du rassemblement communautaire. Il dit que le Fils de l’homme privilégie le culte communautaire hebdomadaire et que le croyant qui veut s’inspirer de son Maître peut ou doit s’inscrire dans cette même démarche.

Justement, Luc nous rapporte un événement qui eut lieu le sabbat, ce qui ne manqua pas de provoquer la réaction d’un chef : «   Il y avait là une femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et ne pouvait pas se redresser complètement.

En la voyant, Jésus lui adressa la parole et lui dit : « Femme, te voilà libérée de ton infirmité. »

Il lui imposa les mains : aussitôt elle redevint droite et se mit à rendre gloire à Dieu.

Le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus ait fait une guérison le jour du sabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pour travailler. C’est donc ces jours-là qu’il faut venir pour vous faire guérir, et pas le jour du sabbat. »

Le Seigneur lui répondit : « Esprits pervertis, est-ce que le jour du sabbat chacun de vous ne détache pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire?

Et cette femme, fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, n’est-ce pas le jour du sabbat qu’il fallait la détacher de ce lien ? »

A ces paroles, tous ses adversaires étaient couverts de honte, et toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu’il faisait »[5].

Ce récit nous montre une fois de plus comment une chose sainte peut devenir une pratique rigide, froide, austère, ce qui ne donne pas un caractère optimiste à la loi. Le chef de la synagogue n’est pas content et il le fait comprendre à jésus, en prenant la foule à témoin. Il n’est pas contre les guérisons mais contre le fait qu’elles aient lieu le sabbat. Il repousse les gens parce que le sabbat est finalement devenu une barrière, même à la libération de ses semblables.

Jésus dénonce l’hypocrisie de certains observateurs du sabbat. Il montre que ces derniers seraient prêts à tout faire pour leur bien-être personnel mais aussi celui de leurs animaux mais ils sont scandalisés parce qu’une guérison a lieu le jour du sabbat. La vie d’un être humain vaut bien plus que toutes les préoccupations matérielles, semble dire Jésus. De ce fait, le sabbat devient un jour où l’homme doit être disposé à accueillir les miracles du Seigneur. C’est vraiment un jour de liberté, un jour de grâce et pour contempler les bontés du Seigneur, il faut avoir les mains libres et le cœur serein. Ceux qui sont préoccupés par les rituels ne peuvent voir les miracles en tant que tels.

Jésus démontre que la vie humaine est plus importante que la loi, surtout si celle-ci est observée sans amour. L’amour de la loi doit céder le pas à l’amour du prochain. En aimant le prochain, en désirant son bien-être, l’homme exprime sa totale adhésion à la loi. C’est une manière de concrétiser le lien entre la loi et la grâce. En libérant cette femme de son infirmité, Jésus manifeste doublement la grâce de Dieu. Il guérit par une victoire sur Satan et il libère ceux qui l’ont bien compris d’une observation rigide de la Quatrième Parole. La loi reflète la grâce lorsque l’homme s’y sent bien, lorsqu’il ne perçoit pas la loi comme un poids difficile à porter mais comme l’expression d’une relation épanouissante avec l’autre, Divin ou humain.

Les observateurs du sabbat

Il n’est plus à prouver que les de nombreux croyants sont profondément attachés au sabbat biblique. Par exemple, le nom de l’Eglise Adventiste du Septième Jour en est la preuve permanente. Toutefois, il serait intéressant de procéder à une évaluation en se demandant si le sabbat n’a pas été majoré dans sa théorie et minoré dans la pratique.

Pourrait-on aujourd’hui être simplement gardien du septième jour ? Pourrait-on être un observateur du sabbat du coucher du soleil du vendredi jusqu’à … la fin du service de culte du samedi ? Pourrait-on être attaché au septième jour de 9h à 12h et se contenter d’aller à l’église, suivre le temps d’adoration et se livrer à autre chose le reste de la journée? Le sabbat est-il quelque chose de routinier, une habitude dans la pratique religieuse ?

La question se pose aussi pour ceux qui lisent la déclaration de Jésus : « Il est donc permis de faire du bien le jour du sabbat »[6] ! Une belle déclaration de et pourtant peu comprise par bon nombre d’observateurs du jour sanctifié. Je veux parler ici aux membres d’église qui sont en milieu médical ou para médical. Il est vrai qu’il existe une dérogation (dispense dans l’Eglise adventiste mondiale pour le personnel soignant, c’est-à-dire ceux qui sont en lien direct avec les malades, personnes âgées, à mobilité réduite, etc.). Il n’est pas question de faire de la casuistique ici mais si quelqu’un est jardinier à l’hôpital, il n’apporte aucun soin au malade. Celui qui a de l’humour psychanalytique dira que le malade se sent bien lorsqu’il voit des fleurs. Dans ce cas, qu’il lui porte un bouquet le vendredi et le vide serait comblé. Le même raisonnement s’applique lorsqu’il s’agit de remplir des fiches de présence, ouvrir la barrière automatique, distribuer des draps dans les chambres, etc. Le sabbat se situe entre deux couchers du soleil et se déroule donc sur une réelle période de vingt-quatre heures. Il n’est pas superflu de le rappeler dans la mesure où certaines personnes ont encore du mal à bien se situer dans le temps réel du sabbat.

Ces lignes n’ont pas pour objet de ‘moraliser’ qui que ce soit. Elles ont plutôt comme intention de faire réfléchir sur le vécu réel du sabbat. Les adultes ne peuvent pas vivre le sabbat de manière erratique et demander aux enfants de ne pas aller en classe le samedi. Aller à l’Eglise ne suffit pas pour dire que nous observons le sabbat. Ce qui interpelle souvent, c’est l’attitude libérale liée à l’observation du jour du repos. En relativisant, en banalisant, nous grignotons peu à peu sur la dimension sanctifiante et identificatrice du septième jour.

Le temps est venu pour une prise de conscience réelle dans notre rapport avec le sabbat. Il est important de ne pas en faire le commandement des commandements et négliger les autres. Autrement dit, le sabbat n’est pas plus important que les neuf autres paroles. Il est aussi important, puisque les Dix paroles reflètent la relation que nous décidons d’avoir avec Dieu et avec nos semblables.  En termes de loi morale, le sabbat doit retenir notre attention et se refléter dans notre vécu de la même manière que nous valorisons les autres principes. L’Eglise adventiste n’a pas à rougir de son attachement à la loi morale, à partir du moment où elle est ni légaliste ni fanatique. L’Eglise doit cependant se demander si dans son expérience et dans son témoignage, dans les situations délicates auxquelles elle doit faire face, ses membres sont sérieux quant à l’observation du sabbat.

Avons-nous pris l’habitude de garder le sabbat ? Sommes-nous fiers d’observer ce jour comme un jour spécial, le plus beau de la semaine parce qu’il est le jour par excellence de la rencontre avec Dieu ? Garder peut signifier préserver, voire conserver. La Bible fait comprendre que le sabbat est ni pour les nostalgiques ni pour les conservateurs. Il n’est pas un rituel désuet ni un archaïsme que nous perpétuons. Garder le sabbat peut être une expérience dynamique.

 

Le prophète Esaïe donne un aperçu de ce qui correspond au véritable esprit du sabbat. Il dit : « Si tu t’abstiens de démarches pendant le sabbat, et de traiter tes bonnes affaires en mon saint jour, si tu appelles le sabbat « Jouissance », le saint jour du SEIGNEUR « Glorieux », si tu le glorifies, en renonçant à mener tes entreprises, à tomber sur la bonne affaire et à tenir des palabres sans fin, alors tu trouveras ta jouissance dans le SEIGNEUR, je t’emmènerai en char sur les hauteurs de la Terre, je te ferai savourer le patrimoine de Jacob, ton père. Oui, la bouche du SEIGNEUR a parlé »[7].

Ce que Dieu veut, c’est que le sabbat ne soit pas un jour banal, un jour où l’homme continue de penser à lui-même, à ses affaires, à ses gains ou à ses pertes. Le sabbat exige une consécration totale.

Il y a une orientation différente de nos pensées, de nos ambitions, de nos activités. Ce jour doit être différent des autres jours de la semaine, il devient un jour de délices parce que nous mettons à part temps et énergie pour glorifier Dieu et pour nous rapprocher de lui, apprendre à mieux le connaître pour mieux le servir ; apprendre à mieux l’aimer pour mieux aimer nos semblables.

J’aime le sabbat parce qu’il est le lieu et le signe permanents d’une rencontre avec l’Autre, le divin et l’humain. Le sabbat me rappelle que, comme l’humanité tout entière, j’ai été créé à l’image de Dieu. J’aime le sabbat parce qu’il me permet de me reposer de l’effervescence de mon engagement dans l’environnement socio-économique, politique. Je n’ai pas à programmer le sabbat parce que c’est lui qui vient régulièrement à ma rencontre. J’aime vivre le jour du sabbat parce que c’est un jour d’adoration où tout est sanctifié et béni par le Dieu Tout-Puissant.

Le sabbat, temps de rencontre

Nous l’avons compris, l’un des thèmes les plus pertinents des enseignements bibliques est celui du sabbat. Le lecteur est invité à entrer dans ce « sanctuaire dans le temps » pour se retrouver dans un face-à-face vital et salutaire. Le sabbat est un lieu de rencontre privilégié entre Dieu et tout membre de l’alliance.

Il y a dans ce retour permanent vers le sabbat un retour régulier, ontologique vers les origines de l’humanité. Le sabbat, lorsqu’il est vécu dans la détente et l’adoration, lorsqu’il signifie jour de salut et d’espérance, est un retour aux sources. C’est le regard du croyant sur son identité universelle, sur son présent et surtout sur son avenir. Le sabbat étant le seul jour à porter le label de la création, donc du créateur, vient confirmer la présence divine dans l’Histoire de l’humanité.

Dans ce sens le sabbat devient le jour du culte communautaire par excellence. Un culte qui fait plus que rassembler des individus ayant en commun la foi l’espérance et l’amour. Il est question plutôt d’entrer dans le jour du sabbat comme on entre dans un temple, dans une église, dans un lieu saint pour offrir une adoration à celui qui a fait le ciel, la terre, la mer et les sources d’eau. Ici, la parole théophanique rencontre une parole prophétique porteuse de l’évangile éternel[8]. Aussi, ce culte doit revêtir des aspects théologiques majeurs. Le sabbat est en lui-même un jour béni et sanctifié, jour qui dit que Dieu est créateur. Tout culte qui s’y inscrit devrait normalement exalter le créateur.

En tant que jour de culte, le sabbat devient le jour du témoignage, celui relatif à la rédemption. Le sabbat dit que le créateur n’a pas oublié ses enfants puis qu’il est jour du souvenir, jour de rappel de l’alliance. Tous ceux qui entrent sereinement dans ce temps d’adoration entrent également dans l’espace du salut puisque Dieu est le Seigneur de la vie. S’il est jour de rédemption, le sabbat devient l’occasion où l’individu prend conscience que Dieu est un Dieu qui pardonne. Il guérit du péché et de ses conséquences. Le sabbat est le jour où le croyant reçoit d’autres bontés de la part du Seigneur. Il n’est pas livré à lui-même. Il n’est pas enfermé, comme nous l’avons vu plus haut, dans une hiérarchisation des valeurs sociales, professionnelles, économiques. Parce que jour de rédemption, le sabbat libère de toute forme de servitude, d’écrasement, de concurrence, de rivalité.

Finalement, le sabbat est le temps de rencontre par excellence parce qu’il est porteur d’espérance. En entrant dans cet espace-temps qu’est le sabbat, le croyant entre dans le repos du Seigneur, un repos qui l’amène à considérer toutes les promesses de Dieu, les promesses qui orientent le cœur et les yeux vers un monde nouveau, un monde où la paix et la joie, la justice et l’harmonie règneront pour le bien de la créature de Dieu.

C’est une autre manière de retourner vers les origines. Le sabbat rappelle que dieu avait un projet pour l’homme, projet que la désobéissance a interrompu. En donnant cette quatrième parole, le Seigneur dit que la vie peut être renouvelée, que l’homme peut sortir de tout désespoir généré par la condition humaine touchée par le mal et l’imperfection.

Le sabbat est jour d’espérance parce qu’il porte la joie du salut et l’attente d’un jour nouveau. Le sabbat est le seul de commandements qui n’a rien à voir avec le péché ou ses conséquences. Il est le seul qui précède le péché originel, donc il ne serait pas anormal de le revoir après le jugement final. C’est ce que la parole prophétique annonce lorsqu’elle dit que le culte continuera dans la nouvelle création[9].

Le sabbat est un jour à part depuis la création. Il devient un jour exceptionnel parce qu’il est béni et sanctifié et j’ai l’intime conviction que tous ceux qui entrent dans ce jour avec le souvenir actif des enseignements bibliques sur la création, que ceux-là sont aussi bénis et sanctifiés.

Puisse le sabbat devenir également un jour de témoignage, jour où les adorateurs du Dieu créateur se transforment en messagers proclamant l’Evangile éternel. Chaque sabbat peut se transformer, dans nos communautés comme dans notre environnement personnel et familial, en un jour-phare qui attire l’attention des hommes sur Celui qui lui a donné tout son sens et sa valeur. Souviens-toi du jour de sabbat pour rencontrer Celui qui t’aime.

Le lien : la quatrième parole est celle qui donne le plus de légitimité aux autres. Elle atteste que Dieu est l’auteur de la vie et que tout croyant qui entre dans le sabbat entre dans la création originelle. Le sabbat ayant été fait pour l’homme, il permet à tous les hommes, lorsqu’il est gardé bien sûr, d’être réellement égaux en droit et de fait…

L’observation du sabbat nous ramène aux jours anciens, au temps de la création !

En proclamant notre foi en un Dieu Créateur, Dieu de la vie présente et de celle à venir, nous remontons à nos origines et la Bible définit le sabbat comme ce retour permanent et naturel, inscrit dans le cycle des temps pour que tout croyant se souvienne que l’expérience spirituelle trouve son sens dans le repos que le Seigneur accorde à son peuple. En cela le sabbat constitue un « acte de naissance ». Il nous appartient de vérifier si, en dépit de la manière dont l’observation du sabbat est vécue, nous tiendrons ce jour pour un jour « béni et sanctifié » dans lequel Dieu lui-même invite son peuple à entrer en toute confiance et dans la joie.

Dieu signe son œuvre

Observez donc que le sabbat prend sa source à la création du monde[10]. Tout ramène à cet événement – et à rien d’autre – et surtout au Créateur, puisque Dieu est le même, le temps n’ayant aucun pouvoir sur lui. Le récit de la création se termine ainsi : « Dieu acheva au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait ». (Genèse 2.2)

Le sabbat est le signe permanent de la liberté divine et de sa souveraineté sur la création. Personne ne motive Dieu à créer et personne ne le contraint de s’arrêter. Le sabbat marque la fin de la semaine créatrice et de la maîtrise divine sur l’ensemble de son œuvre. Il est souverain et son œuvre est soumise à sa volonté. Dieu rend compte à lui-même du bienfondé de sa création et son appréciation, qui prend la forme d’une autosatisfaction, dit clairement que tout dépend de lui et de lui seul. Dieu se repose, faisant de tout le septième jour le témoin de son autorité sur l’espace créé et sur le temps qui l’englobe. Dans le temps qui s’écoule, le sabbat est le lien le plus fort et le plus permanent avec la création. Aucun homme ne fut témoin de la création originelle mais en entrant consciemment et moralement dans le sabbat, le croyant remonte à la genèse de la création, en d’autres termes, à la genèse de l’humanité.

Au cœur des Dix Commandements le lien est fait avec la bénédiction initiale, celle posée sur le sabbat de manière définitive (Exode 20.8-11). Le sabbat n’a rien à voir avec le péché, donc ne peut être déconsidéré ou réévalué au gré des changements dans l’organisation sociale, culturelle et économique.

Entrez librement et sereinement dans l’observation du sabbat parce qu’il n’est pas lié à l’histoire d’un peuple ou d’une communauté religieuse, ce qui prévient de toute appropriation culturelle ou nationaliste, de toute velléité intégriste et sectaire. Le sabbat du septième jour n’appartient ni au peuple juif ni aux adventistes… Le sabbat est, par principe souverainement établi, inhérent à la création, ce qui lui donne une dimension universelle et en même temps, il devient le lien ombilical entre tout être humain et l’acte créateur originel. Ce jour est porteur de l’acte de naissance de l’homme, comme celui de la création terrestre en général, attestant ainsi de la présence de Dieu dans la vie de l’homme. Le sabbat est le témoin pérenne de l’acte créateur dans sa globalité. Sans sabbat, aucun témoignage de la création génésiaque.

Notre expérience spirituelle nous conduit à contempler non seulement la création et la vie que Dieu a initiées mais à le contempler lui, le Dieu Créateur. Le récit des origines montre que le septième jour est le seul jour où Dieu ne fait rien de matériel ou de physiquement repérable et il donne ainsi l’occasion aux premiers humains de découvrir leur existence et d’entrer librement et pleinement dans la création. Une telle décision donne encore plus de caractère et de noblesse au sabbat. C’est le témoignage d’amour de Dieu envers l’homme. Il ne cherche pas à « impressionner » ce dernier par son pouvoir. Dieu s’arrête pour le bien de l’homme.

C’est ainsi que l’adoration passe par l’observation du sabbat ! Si tout cheminement impose des temps de pause, pour se ressourcer avant de poursuivre sa marche, le sabbat devient ce moment d’arrêt par excellence pour le croyant en chemin de foi.

Un temps au clair de la lune ?

Dieu ne lie pas le sabbat au soleil ou à la lune mais à son autorité sur la création. Le sabbat se situe dans le cycle posé par le Seigneur à partir du premier jour qui est un jour sans lune et sans soleil. C’est la lumière décidée ou instaurée ponctuellement par Dieu qui éclaire l’acte créateur et le temps commence par la séparation entre les ténèbres et la lumière pour marquer l’alternance soir/matin ou nuit/jour. Mais ces temps-ci, quelques chrétiens, même des adventistes, passionnés d’astro-théologie, font la promotion du sabbat lunaire et rejettent, de ce fait, le sabbat biblique originel.

Qu’est-ce que le sabbat lunaire ? L’expression n’est pas dans la Bible et comme la doctrine de la trinité, chacun y va de sa petite théorie. Cette nouvelle ‘doctrine’ s’appuie sur les changements de calendrier hérités de la Babylone antique, de l’Egypte et des Romains, avançant l’idée que le septième jour d’aujourd’hui n’est pas nécessairement le samedi. Il faut donc retourner à un sabbat plus raisonnable et réellement cyclique. Dans la plupart des interprétations, le mois commence quand la lune est dans sa phase de nouvelle lune et selon certains textes bibliques, c’est ainsi que les enfants d’Israël ont compté les mois après leur sortie d’Egypte (l’exode). D’après le calcul du sabbat lunaire, le sabbat est donc fixé en comptant les sept jours après la nouvelle lune. En dépit des variations, retenons l’idée que la plupart des personnes qui défendent la théorie du sabbat lunaire enseignent que le 8ème, le 15ème, le 22ème et le 29ème du mois sont des jours de sabbat. Si on tient compte de ce système, le sabbat varie chaque mois et cela quel que soit le jour de la semaine où il tombe, puisque le cycle des jours – le rythme hebdomadaire communément accepté – est rompu.

En suivant ce raisonnement, le mois suivant verra le sabbat lunaire se déplacer au lundi, avec tout un mois de sabbats tombant le lundi. Cela signifie que chaque nouvelle lune ouvre la perspective d’un sabbat qui n’aura rien à voir avec le cycle classique des sept jours. Le sabbat devient flottant, fluctuant au gré de la néoménie. Cela ressemblerait à dire qu’une heure de soixante minutes pourrait être de temps en temps suivies d’heures de 5 ou 10 minutes de plus. Rien d’autre…

Avec un peu de lucidité et de bon sens spirituel, vous comprendrez que ce genre de doctrine ne peut qu’être l’œuvre du diable qui veut encore diviser pour mieux régner. Les tenants de la théorie du sabbat lunaire (ils ne sont pas lunatiques, loin s’en faut !) ont beaucoup d’imagination mais peu de respect pour la toute première page de la Bible. On ne bâtit pas une vérité à partir de petits bouts de vérités voire à partir de demi-vérités : ce serait déjà un mensonge !

Le commandement est clair. La délimitation n’est plus à prouver et quelles que soient les variations entre le calendrier lunaire, le solaire et le luni-solaire, le principe du sabbat remonte à la création et non à un calendrier économique ou encore à un problème lié aux conditions de travail. La semaine originelle est une semaine-type d’activités. Quand Dieu donne l’ordre moral de se souvenir du repos du septième jour, les anciens esclaves ont dû réapprendre à vivre des jours et des nuits en dehors d’une économie servile pour entrer dans une économie libérée (je n’ai pas dit « libérale »). Relevons quelques zones d’ombre dans les revendications des défenseurs du sabbat lunaire :

1.Dans une semaine qui comporte un jour férié, qui est chômé, il ne viendrait à l’idée de personne d’exclure ce jour dans l’ordre calendaire pour avoir une succession de jours ouvrés afin de se reposer le septième jour. Or, les tenants du sabbat lunaire ne comptent pas certains jours dans leurs calculs. Ces jours passent à la trappe.

  1. En appliquant le calendrier lunaire, le jour du sabbat devient inévitablement flottant. Il dérive chaque mois. Le vrai sabbat est hebdomadaire. Posé à la fin de la semaine originelle, il est censé revenir sept jours après. C’est un cycle régulier et Dieu indique d’emblée que la semaine comptera sept jours, en partant du premier jour créationnel. Or le sabbat lunaire se produit sur différents jours de la semaine. Parfois, il est sur le lundi, puis le mois suivant, il change au mercredi et après cela au jeudi. Il n’est jamais constant.
  2. Le sabbat n’est pas indexé sur l’apparition de la lune car il n’en était pas ainsi dans la première page de la Bible. Les nouvelles lunes ne peuvent pas être des sabbats, tout simplement parce que la Bible donne de nombreux exemples de personnes qui voyagent ou travaillent aux jours de nouvelle lune !
  3. Lier le sabbat lunaire à la sortie d’Egypte en disant que cela ne posait pas de problème puisqu’ils étaient partis dans la nuit est sans doute un faux problème. Ils ont dû se préparer matériellement, physiquement, préparer le repas qui deviendra de facto le repas pascal… Et ils n’avaient pas encore conscience du sabbat…
  4. Le samedi a toujours été le sabbat du septième jour. En fait, le mot « sabbat » a été conservé dans de nombreuses langues et il désigne toujours le samedi du septième jour. Même parmi ceux qui ont voulu persécuter jusqu’à l’extermination les Juifs en Europe, le terme Sabado ou Sabato, est resté. Les Allemands ont le mercredi nommé « Mittwoch », littéralement « milieu de la semaine », ce qui fait du samedi le septième jour. Le témoignage des juifs est, dans l’Histoire, une référence incontestable. Et la plupart des cultures ont la semaine traditionnelle avec le samedi comme septième jour.
  5. Le cycle lunaire induit les gens à briser le réel sabbat du septième jour qui remonte à la semaine de la Création. Au risque de nous répéter, la lune n’est pas apparue le premier jour, ce qui fausserait même le principe initial.
  6. Le conflit entre l’observation du dimanche et l’observation du sabbat a toujours concerné le jour communément appelé « samedi ». Il n’y a aucune trace d’un conflit entre le dimanche et un jour de sabbat flottant, ni aucune trace de Chrétiens utilisant un calendrier différent. Le IVème siècle a vu le transfert du septième jour au premier jour pour permettre à l’Eglise Catholique romaine de prendre ses distances du peuple juif et on a forcé le sens du jour de la résurrection pour simplement le caler sur le jour d’adoration du soleil, une bonne démarche syncrétiste avec le paganisme romain.

Les élans révolutionnaires antitrinitaires et sabbato-lunaires (souvent complotistes méfiants et contrariés) qui soufflent sur nos églises, en France ou ailleurs, peuvent être assimilés à ces démangeaisons[11] prédites par Paul. L’observation du sabbat relève d’un principe théologique et non calendaire. Elle n’est liée à aucune contrainte économique et à aucune comptabilité. C’est une autre ruse diabolique pour éloigner non seulement l’esprit mais aussi le cœur des croyants et les détourner du sabbat biblique pour les amener à accepter les changements opérés par des hommes. La plupart des courants chrétiens (Catholiques, Protestants historiques, Evangéliques, et autres…) se sont détournés du vrai jour de repos voulu par Dieu. Dans les derniers temps, il est certain que beaucoup se détourneront de la vérité, même au sein de l’Eglise adventiste. Je vous encourage donc à la vigilance et à la sobriété.

Tout réveil et toute réforme appellent à l’unité et à la fidélité !

Un temps de sainteté et d’adoration

Vous êtes né pour adorer le Seigneur qui a fait la terre et les cieux !

« Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait créée par son action ». (Genèse 2.3) Le sabbat est marqué comme un tournant dans la création parce qu’il achève le cycle des jours de la semaine, devenant le point central du rythme hebdomadaire. En s’approchant du sabbat, tout croyant devrait éprouver une joie particulière car ce n’est pas quelque chose d’ordinaire que d’entrer dans cet espace-temps béni et sanctifié pour l’éternité. Sanctifier le sabbat, c’est célébrer le Dieu Créateur[12].

Quand le temps du culte s’inscrit dans le temps réel du sabbat, le croyant pénètre dans le sanctuaire du temps lié à la création originelle. Se souvenir du jour du sabbat permet à l’homme d’affirmer sa foi en un Dieu Créateur et aujourd’hui encore c’est une prise de position face à la théorie de l’évolution. Observer le sabbat rapproche l’homme de la création, donc du Créateur. Il y a là un retour hebdomadaire aux sources, c’est la remontée dans le temps, ce qui est une forme de liberté au cœur même de cette pédagogie du souvenir.

Dieu demande à son peuple de se souvenir du jour du repos et il est important que ce souvenir ne se transforme pas en rituel. La parole prononcée du haut du Sinaï donne un sens plus dynamique, plus vivant à cette observation. Le verbe hébreu zakhor, « se souvenir » évoque le souvenir non d’une date connue d’un événement important, comme une date d’anniversaire ou la commémoration d’un événement tragique, etc. Ce souvenir ne se fixe pas sur quelque chose qui est figé dans le temps mais d’une entité qui plonge ses racines dans le passé et qui n’a pas fini d’exister, ce qui pose le souvenir dans la perspective du futur. N’est-ce pas là le symbole même de toute existence humaine ! Se souvenir du sabbat c’est se regarder dans le miroir de sa propre histoire, celle de la création. Dieu fait venir à l’existence pour donner un avenir. L’origine et l’identité de l’homme sont fondamentalement liées au sabbat.

Vivre ce jour comme un temps d’adoration permet une remontée dans le temps, remontée demandée par Dieu parce que le sabbat est empreint de sainteté. Se souvenir pour ne pas le sanctifier est justement de la nostalgie dont Dieu veut nous garder. Se souvenir du sabbat pour le sanctifier, voilà ce que Dieu nous demande tout simplement. Sanctifier le sabbat témoigne d’une foi réelle en un Dieu Créateur.

Quand il prend le temps nécessaire pour adorer, le croyant vit un retour ontologique vers les origines de l’humanité. Ce retour aux sources lui permet d’affirmer son identité universelle, et de poser un regard optimiste sur son présent et surtout sur son avenir. Le sabbat, seul jour à porter le label de la création, donc du Créateur, vient confirmer la présence divine dans l’Histoire de l’humanité. Quoi de plus naturel, dès lors que de vivre ce jour comme le jour du culte communautaire par excellence.

Finalement, le sabbat est le temps de rencontre par excellence avec l’autre, parce qu’il est porteur d’espérance. En entrant dans le sabbat, le croyant entre dans le repos du Seigneur, un repos qui l’amène à considérer toutes les promesses de Dieu, les promesses qui orientent le cœur et les yeux vers un monde nouveau, un monde où la paix et la joie, la justice et l’harmonie règneront pour le bien de la créature de Dieu. C’est une autre manière de retourner vers les origines. En donnant ce commandement sur le repos, le Seigneur dit que la vie peut être renouvelée, que l’homme peut sortir de tout désespoir en se tournant vers le Dieu de la vie. Dans ce sens, le sabbat devient la garantie de la restauration finale.

Jésus libère le sabbat 

Le sabbat est porteur de liberté !

Jésus, le Fils de Dieu, a observé la loi morale. Sa manière d’observer le sabbat ne manqua pas de susciter des conflits théologiques avec les responsables religieux de l’époque.

Un exemple évocateur se trouve dans le récit que font les évangiles synoptiques de la traversée, par Jésus et ses disciples, d’un champ de blé pendant le sabbat.  Les Pharisiens qui suivaient de près ont décrié l’attitude des disciples qui se sont permis d’arracher des épis pour en manger les grains. Jésus a répondu en rappelant que le sabbat vise à l’épanouissement de l’homme. Et il leur disait : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. » (Marc 2.23-3.5)[13]

Ce récit laisse entendre qu’il y a le risque d’une mauvaise interprétation du sabbat, lorsque le croyant montre une attitude extérieure qui est presque figée dans un rituel. Jésus encourage tous les observateurs du sabbat à y trouver du sens. Il souhaite que ce jour ne soit pas organisé autour de la question du « faire ou ne pas faire ». Jésus libère les hommes de leurs préjugés et il libère le sabbat de toute mauvaise interprétation. Il veut l’honorer, lui donnant toute sa valeur, parce qu’il est le maître du sabbat.

L’objectif pédagogique du Christ est de dépasser la problématique du « faire », sans pour autant dire que le devoir d’observer le sabbat n’est plus d’actualité. Il attire l’attention sur la dimension de l’« être » car celle-ci est directement liée à la prise de conscience de l’importance de la Parole de Dieu. Il fait ainsi ressortir que la notion de l’altérité est inhérente au sabbat, que nous ne pouvons pas invoquer ce jour et oublier le bonheur de l’autre, quel qu’il soit, conjoint, parent, enfant, prochain ou passant…Ainsi, quand la communauté de foi se souvient du jour du sabbat et le sanctifie, elle se met en accord parfait avec le Christ. Quand ce jour devient bénédiction pour le croyant et que lui-même se transforme en source de bénédiction pour autrui, le sabbat revêt les caractéristiques d’un jour de délices, un jour de fête. Vous n’invitez personne chez vous pour que la personne se morfonde et regrette d’être venue chez vous, n’est-ce pas ? Il en est de même pour le Seigneur : il nous invite à la fête du sabbat et il désire que ce soit jour de fête et de bénédiction pour tous ceux qui font le choix d’y entrer…

Jésus libère le sabbat de tout fanatisme. Jésus libère l’homme de toute interprétation contraignante du sabbat mais ne libère pas du sabbat. Le croyant qui vit le culte communautaire pendant le sabbat est donc invité à le vivre dans une joie épanouissante. Le sabbat a été fait pour l’homme !

Conclusion

Les Adventistes du septième jour ne peuvent pas être des Adventistes uniquement le septième jour et juste le temps du culte hebdomadaire et des réunions au programme. Vous trouvez que j’exagère ? Je vous invite plutôt à réfléchir avec moi. N’ayons pas une lecture sociale ou astrale du sabbat mais posons nos regards sur le principe théologique, si nous voulons être dans la logique de ceux « qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. » (Apocalypse 14.12) Le sabbat se déroule d’un coucher du soleil à l’autre. Cela ne veut pas dire que l’observation se fait « montre en main » : c’est le cœur qui doit entrer dans la totalité du sabbat…

Je ne sais si vous en avez la conviction mais remarquez que le sabbat permet non seulement de remonter le temps pour retrouver nos origines mais aussi de se projeter dans le futur en attendant l’installation du royaume de Dieu. Si le Fils de l’homme est Seigneur du sabbat, il est Seigneur de ce qui est permanent, donc durable. Le commandement sur le sabbat étant le seul à être sans rapport initial avec le péché ou ses conséquences, il ne serait pas anormal de le revoir sur la nouvelle terre. La Bible dit que le culte continuera chaque sabbat (Esaïe 66.22,23) dans la nouvelle création, ce qui permettra aux rachetés de célébrer le Dieu de la Vie, pendant l’éternité. Ce sera le retour à l’Eden pour tous ceux qui auront su placer leur espérance dans le Seigneur.

Retenez bien la chose suivante : l’observation du sabbat permet aux adorateurs du Dieu Créateur de proclamer l’évangile éternel !

 

 

A méditer :

  1. Quel sens le sabbat a-t-il pour vous dans la société contemporaine ?
  2. Le sabbat est-il un jour de repos ou un jour de fête ?
  3. Le sabbat un jour de culte : est-ce bien raisonnable ?
  4. Comment le sabbat nous met-il en situation d’espérance ?
  5. Quel est le lien entre le sabbat et la famille ?

 

[1] La formulation n’est pas la même entre la conclusion du premier récit de la création et le commandement du souvenir, tant en Exode 20 qu’en Deutéronome 4.

[2] Ceci est en lien direct avec l’évangile éternel d’Apocalypse 14.6.

[3] Marc 2.23-3.5. Voir également Matthieu 12.1-13. Jean 5.8-18.

[4] Jean 1.1-18 ; Colossiens 1.15-17 ; Hébreux 1.1-2.

[5] Luc 13.11-17.

[6] Matthieu 12.12.

[7] Esaïe 58.13-14.

[8] Apocalypse 14.6

[9] Esaïe 66.22-23

[10] Voir, de l’auteur, Fils et filles de Dieu, chapitre 5.

[11] 2 Timothée 3.3,4.

[12] Ceci est en lien direct avec l’évangile éternel d’Apocalypse 14.6.

[13] Voir également Matthieu 12.1-13 ; Jean 5.8-18.

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