La douceur du foyer
« Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonné, faites de même, vous aussi. Et par-dessus tout, revêtez l’amour : c’est le lien parfait. » (Colossiens 3.12-14)
La douceur ! Nous sommes ici en présence de l‘avant-dernière tranche du fruit de l’Esprit. Quand vous mangez des fruits en grappe, des litchis ou des raisins, vous n’avez pas la même sensation que celle éprouvée en consommant des mangues ou des pêches, par exemple. Certains fruits ne se consomment qu’à pleine maturité, lorsqu’ils sont sucrés, pleins de douceur, tandis que d’autres sont agréables même s’ils sont aigres-doux (avec encore un peu d’acidité), fermes et croquants. Vous cherchez toujours le goût d’un fruit que vous aimez, n’est-ce pas ? Il en est de même pour cette tranche du fruit de l’Esprit que représente la douceur. Le Seigneur cherche certainement cet aspect du fruit de l’Esprit lorsqu’il visite son verger qui est l’Église. Mais avant de visiter l’Église, il veut inévitablement passer chez nous, dans nos foyers. Il semble donc naturel et normal que la douceur trouve une place dans la vie du chrétien.
• Définir la douceur
Le terme douceur vient de l’hébreu ‘anav, « doux ». Le grec le traduit par praütês, « douceur ». Il n’est pas toujours facile de trouver un sens équivalent en français, d’où la variété des traductions : « doux », « débonnaire », « humble ». Mais tout oriente vers une disposition intérieure, suscitée par la seule grâce de Dieu. L’homme des siècles passés voyait dans la douceur un signe de faiblesse. Aristote la concevait comme l’attitude intermédiaire entre la colère chronique et l’indifférence émotionnelle. Platon définissait la douceur comme une disposition naturelle facilitant les relations humaines, à l’opposé de la méchanceté, de l’agressivité ou même de la cruauté. L’homme est donc capable de douceur, quelle que soit l’idée philosophique qu’il s’en fait.
Ainsi, la douceur devient l’une des marques du caractère du chrétien, à partir du moment où il comprend que la foi se vit aussi avec ses émotions, ses sentiments, bref tout ce qui fait l’homme. Une telle définition ne peut être assimilée à de la faiblesse ou de la mollesse devant les situations pleines de défis. Si Paul l’inclut dans la liste des composantes du fruit de l’Esprit, c’est sans doute pour dire que la vie chrétienne doit s’en imprégner. Une telle caractéristique se verra surtout dans les relations humaines.
• Douceur et bonté
Notre cœur peut recevoir la douceur qui vient d’en haut !
L’Ancien Testament proclame la grande bonté de Dieu, synonyme de « douceur ». Loin d’être une manifestation de faiblesse ou de passivité, la douceur est synonyme d’une force intérieure, proche de la maîtrise de soi, ultime tranche du fruit de l’Esprit et inspirée par l’humilité (Éphésiens 4.2 ; Colossiens 3.12). Jésus est l’exemple suprême de la douceur. Aussi, il nous invite à venir à lui, lorsque nous avons des difficultés face aux mille défis de la vie sur terre, lorsque survient le découragement, la lassitude. Il dit : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous, car je suis doux et humble de cœur ». (Matthieu 11.28, 29).
Dans le même évangile, Matthieu cite le prophète Ésaïe, pour décrire Jésus, lors de son entrée triomphale à Jérusalem : « Dites à la fille de Sion : voici ton roi vient à toi, plein de douceur, et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (21.5). La douceur de Jésus se voit dans son attitude envers les pauvres, les malades de toutes sortes, les gens qui se posaient des questions sur le sens de la vie et même face à ses juges et ses accusateurs injustes.
La douceur du Seigneur fait appel à la douceur du croyant. Ce dernier apprend à tenir ferme face aux difficultés, ne se laissant pas décourager par elles. Certes, la douceur doit caractériser le chrétien, disciple de Jésus-Christ, mais cette douceur doit s’accompagner de lucidité, de bon sens et surtout de la volonté de rendre témoignage des miracles que Dieu opère dans sa vie.
• Douceur et contradiction
Être doux ne veut pas dire être mou !
Paul exhorte le serviteur de Dieu à faire preuve d’un esprit de douceur même en cas d’opposition et de divergences : « Mais les controverses vaines et stupides, évite-les. Tu sais qu’elles engendrent les querelles. Or, un serviteur du Seigneur ne doit pas se quereller, mais être affable envers tous, capable d’enseigner, supportant les contrariétés. C’est avec douceur qu’il doit instruire les contradicteurs : qui sait si Dieu ne leur donnera pas de se convertir pour connaître la vérité, de revenir à eux-mêmes en se dégageant des filets du diable qui les tenait captifs et assujettis à sa volonté ? ». (2 Timothée 2.23-26)
Cela ne signifie pas que le chrétien doit fuir les débats contradictoires, les réflexions ou autres dialogues. Il doit, au contraire, développer une capacité d’analyse, un esprit critique (et non un esprit de critique). Ce que l’apôtre demande à son jeune collègue Timothée, et nous sommes aussi bien concernés, c’est d’éviter de se lancer dans des discussions vaines, n’aboutissant à rien de concret si ce n’est d’attiser des passions, des tensions, donc des risques de disputes et de désunion. Si le fruit de l’Esprit est douceur, il se verra aussi dans la manière dont nous participons à des discussions, en public ou en privé. Nous rechercherons ensemble des idées constructives, dans le respect des personnalités, des compétences, en donnant une chance égale à chacun.
L’apôtre Jacques l’a bien compris et c’est ainsi qu’il exhorte les fidèles à appliquer la Parole de Dieu, justement dans cette capacité d’écoute mutuelle, en vue d’une édification communautaire : « Vous êtes savants, mes frères bien-aimés. Pourtant, que nul ne néglige d’être prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme ne réalise pas la justice de Dieu. Aussi, débarrassés de toute souillure et de tout débordement de méchanceté, accueillez avec douceur la parole plantée en vous et capable de vous sauver la vie. Mais soyez les réalisateurs de la parole, et pas seulement des auditeurs qui s’abuseraient eux-mêmes. En effet, si quelqu’un écoute la parole et ne la réalise pas, il ressemble à un homme qui observe dans un miroir le visage qu’il a de naissance : il s’est observé, il est parti, il a tout de suite oublié de quoi il avait l’air. » (Jacques 1.19-24) Une telle douceur devient structurante puisqu’elle permet de faire preuve de lucidité, de progrès et de réalisme.
La Parole de Dieu exerce une douce influence sur les cœurs et cela se verra dans les actes. Tout croyant apprend ainsi à se conduire avec douceur. Cela ne signifie pas que le croyant ne se met jamais en colère ou que rien ne l’agace ou ne l’énerve. La colère est une émotion qui s’exprime naturellement, mais la Bible nous encourage à ne pas franchir le seuil qui fait passer de la colère au péché. Le foyer devient l’école où l’on pratique cet exercice…L’Église aussi !
• Pardon et douceur
J’ai grandi à l’Ile Maurice, où parmi certaines habitudes (comme c’est le cas dans plusieurs îles de l’Océan Indien) on consomme des mangues vertes ou qui commencent à mûrir, en salade, avec du sel et un peu de piment (quelle idée, n’est-ce pas !). Mais pour adoucir tout ce mélange, on y ajoute souvent de la compote de tamarin ou des morceaux d’ananas. A défaut, on utilise un peu de sucre tout simplement et je peux vous assurer que c’est délicieux. Mes sœurs, mes nièces et ma fille aînée sont des spécialistes en la matière et quel que soit l’endroit où nous nous retrouvons, nous aimons bien renouveler l’expérience – vous devriez l’essayer ! Cela me fait penser à notre tranche du fruit spirituel : il faut un peu de douceur lorsqu’il y a des mélanges difficiles à gérer ou à intégrer dans le domaine relationnel.
Comme nous l’avons déjà vu, il existe un lien inévitable entre le pardon et chacune des tranches du fruit de l’Esprit.
Puisque le fruit de l’Esprit est également le témoignage de la douceur, le pardon devient un moyen extraordinaire pour nous mettre en relation avec l’Autre – divin ou humain. Une relation qui demande de la lucidité autant que la confiance, l’humilité et l’amour. Chaque jour doit être l’occasion d’une nouvelle appréhension de ce don de Dieu et de son appréciation dans notre quotidien. Ce sera également une nouvelle possibilité de consécration et d’engagement à pratiquer ce que Jésus nous demande de faire : « Pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous, et ne nous conduis pas dans la tentation, mais délivre-nous du Tentateur. […] En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ». (Matthieu 6.12-14)
Dans le passage cité en introduction, Paul exhorte les chrétiens à s’accueillir dans la douceur et l’humilité, à faire preuve de patience et surtout à se pardonner lorsque des litiges surviennent. La douceur facilite l’exercice du pardon, l’entretient et devient un vrai remède contre la rancune et la rancœur. Comme dans la salade de mangue avec les différents ingrédients, la douceur est nécessaire pour harmoniser les relations humaines. Ce lien intime entre la douceur et la pratique du pardon devient un passage obligé entre les membres d’une même famille ou entre les membres d’une même église. On ne peut imaginer un groupe de croyants au sein duquel la douceur ne trouverait pas de place. Mais Paul est lucide et réaliste ; il sait que des tensions et des conflits surgissent souvent dans des communautés de foi. Aussi, il encourage chacun à faire preuve de douceur, d’humilité et de patience, afin de se supporter mutuellement et si le besoin se présente, il demande de pratiquer le pardon.
En somme, la Bible nous demande de mettre un peu de douceur lorsque nous sentons que les relations humaines sont menacées par des malentendus et des sentiments peu constructifs. Si Paul définit l’espace communautaire comme un lieu de pardon, cela signifie qu’il est un espace-temps où des hommes et des femmes éprouvent la joie de recevoir le pardon divin et prennent la responsabilité de le décliner dans les différents rapports avec leurs semblables. Pardonner et traiter avec douceur, c’est sans aucun doute donner de l’avenir aux relations humaines… Il semblerait que seuls les forts et les généreux peuvent pardonner facilement. La douceur ne peut provenir d’un cœur qui refuse l’action de l’Esprit !
• Douceur dans l’espérance
L’apôtre Pierre recommande de répondre avec douceur à ceux qui demandent une raison de l’espérance chrétienne. Il a certainement connu une transformation, lui dont les Évangiles montrent souvent l’impulsivité. Il a compris que la douceur, plus que la force ou l’agressivité, témoigne mieux en faveur de Jésus-Christ.
« Bien plus, au cas où vous auriez à souffrir pour la justice, heureux êtes-vous. N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés ; mais sanctifiez dans vos cœurs le Christ qui est Seigneur. Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect, en ayant une bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous calomnie, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient confondus. Car mieux vaut souffrir en faisant le bien, si telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. »
(1Pierre 3.14-17)
Attention ! Une telle déclaration n’encourage pas les chrétiens à la souffrance, c’est-à-dire au dolorisme trop souvent mis en avant par certains chrétiens. Ces derniers ont souvent compris que c’est la souffrance subie, voire provoquée, qui exprime mieux la foi. Pierre dit que la foi rencontre souvent de l’incompréhension, de la moquerie et même de la persécution. Face au rationalisme ou à l’athéisme, face à un raisonnement scientifique hermétique, face à la laïcité rigide, la foi trouve parfois une forme de résistance sévère. En retour, les chrétiens doivent apprendre à faire preuve de tolérance, d’une ouverture d’esprit, d’humanité, bref de douceur lucide et témoigner ainsi de la présence du fruit de l’Esprit dans le monde !
• Heureux les doux
Dans le Sermon sur la montagne, Jésus prononce ses fameuses Béatitudes. Il inclut une parole sur la douceur, comme un trait de caractère propre à ceux qui seront récompensés, in fine. Il déclare : « Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre ! » (Matthieu 5.5)
Jésus laisse entendre ici que la vie éternelle se prépare dès à présent et qu’elle s’apprend dans l’exercice de la douceur et de l’humilité. Ces deux aspects de l’expérience chrétienne ne peuvent être portés comme des masques. Il ne faut pas confondre la douceur avec les paroles doucereuses, la docilité servile ou même l’hypocrisie. L’humilité ne doit pas non plus être une forme de fausse modestie (ce qui est probablement l’autre visage de l’orgueil). La douceur évoquée ici est une caractéristique du comportement chrétien. Si Jésus en parle, c’est pour donner à ses disciples une indication claire sur leur attitude. La douceur peut se comprendre comme de l’humilité, comme une force intérieure face aux agressions, aux injustices, aux inégalités et autres déconvenues. Le Seigneur veut que ses disciples apprennent à vivre des relations paisibles, harmonieuses, épanouissantes avec leurs semblables. La douceur devient le témoignage de l’acceptation des principes du royaume de Dieu.
Il est donc important d’apprendre et d’exercer ce que j’appelle « la douceur responsable ». Notez que la douceur dont parle Jésus ne doit pas être vue comme de la faiblesse ou de la naïveté.
Trop de chrétiens ont confondu douceur et effacement. Les doux sont des non-violents et la non-violence n’est ni la passivité ni l’indifférence. Si la douceur est exercée de manière réfléchie responsable, elle aidera le chrétien à vivre en harmonie avec le Parole de Dieu. Je peux être ferme sans me mettre en colère et sans devenir violent. Je peux être ferme sans être psychorigide. La douceur amène de la flexibilité sans que cela devienne de la négligence ou du laxisme. Nous insistons sur le fait que la douceur n’est pas de la faiblesse. Jésus a montré de la douceur ferme et responsable lorsqu’il s’agissait des principes
non-négociables.
Ainsi, dans nos foyers et dans l’église, les chrétiens que nous sommes doivent apprendre à exercer la douceur dans les relations. Dans les débats contradictoires également, nous devrions progresser lorsqu’il s’agit d’entendre les arguments et les opinions des autres face aux nôtres. Quelqu’un peut ne pas être d’accord avec nous, à la maison ou à l’église, mais cela ne devrait pas perturber notre relation. Si la colère monte lorsque mon avis n’est pas retenu, j’ai un problème d’égo ou d’estime de soi. Je ne peux pas toujours mettre le tort sur les autres simplement parce qu’ils ne partagent pas le même point de vue que moi. Heureux les doux, car ils sont déjà sur la route de l’éternité !
Conclusion
Jésus nous invite à la douceur parce que lui-même est doux et humble de cœur. Il n’y a pas de mystère autour de cet aspect du fruit spirituel. Nous sommes en face d’une réalité qui nous échappe très souvent : le disciple de Jésus-Christ n’a pas d’autre choix que de cultiver un esprit de douceur. Une telle démarche n’est pas facile face aux agressions et aux injustices, mais le Seigneur nous demande de développer la douceur. Pour réussir, il nous faut apprendre de lui.
Vous devinez que la présence de cette tranche du fruit spirituel changera considérablement non seulement la vie au foyer mais aussi la vie au sein de notre église locale.
Or, le fruit de l‘Esprit est … douceur !
Avez-vous la conviction que le Seigneur souhaite que la douceur ait une place importante dans vos paroles et dans vos actes ? Si c’est le cas, invitez trois personnes de votre église à prier avec vous pour que cette tranche du fruit spirituel soit visible dans le jardin du Seigneur. N’oubliez pas de leur offrir un fruit (ou une tranche de fruit) comme un témoignage de douceur…